Les Affaires Étrangères Égyptiennes : 100 ans de Diplomatie

Lundi, Février 28, 2022

La Fondation Kemet Boutros Ghali pour la Paix et la Connaissance (KBG) a célébré le centenaire du retour du Ministère Égyptien des Affaires Étrangères en organisant un webinaire.

La cérémonie a débuté avec M. Sameh Shoukry, ministre des Affaires Étrangères, qui a fait une déclaration enregistrée dans laquelle il a commémoré le retour du ministère égyptien dans le cadre du processus d’indépendance nationale. Il a rendu hommage au dévouement de ses prédécesseurs face aux défis qu’ils ont dû affronter et a souligné la nécessité de pérenniser leur héritage pour atteindre les objectifs de l’Égypte aux niveaux régional et international.

Le ministre a également souligné que les diplomates égyptiens ont réussi à défendre les meilleurs intérêts de l’Égypte et à relever de nombreux défis successifs, afin de faire de leur mère patrie un partenaire dans la prise de décisions politiques et de lui assurer une position de choix dans les forums internationaux. Le Ministère a réussi à constituer au fil des années un ensemble de compétences dans divers domaines du travail diplomatique, tels que le développement et la diplomatie environnementale, ainsi que de nombreux autres sujets d’actualité, ce qui lui a permis d’interagir avec une politique équilibrée et flexible sur la scène internationale.

« La politique étrangère égyptienne est fondée sur la diversification de son champ d’action, l’expansion des cadres de partenariat mutuel, la promotion d’intérêts communs, le soutien de différentes personnes et le renforcement des institutions nationales dans le monde. »

 

Pour sa part, M. Mamdouh Abbas, Président du Conseil d’administration de la Fondation, a noté que les membres de KBG étaient fiers de porter le nom de Boutros-Ghali, l’éminent diplomate, brillant universitaire et politicien; sa contribution inestimable a profité à la fois à la politique étrangère de son pays et à la communauté internationale, lorsqu’il a été nommé secrétaire général des Nations Unies.

M. Abbas a contemplé avec fierté les accomplissements des affaires étrangères égyptiennes et comment elles ont découlé des efforts collectifs et de la diligence du peuple égyptien tout entier. La Déclaration britannique du 28 février 1922 a en effet rétabli l’indépendance légale de l’Egypte en maintenant quatre réserves.

« Le 15 mars 1922, l’Égypte a annoncé son indépendance. Le même jour, le ministère britannique des Affaires Étrangères a informé tous ses représentants à l’étranger que le statut juridique de l’Égypte avait changé et que son gouvernement était devenu libre d’exercer ses relations avec d’autres pays par l’intermédiaire de son ministère. Le Ministère Égyptien des Affaires Étrangères est retourné au travail et le 15 mars a été déclaré Journée de la diplomatie égyptienne. »

Pour le siècle à venir, les mécanismes et les lois régissant le travail des diplomates évolueraient. Le Ministère rassemble désormais des jeunes hommes et des jeunes femmes diplômés de divers domaines académiques basé sur leur compétence, pour les former à l’Institut diplomatique, fondé en 1966. Ils ont alors le privilège de représenter l’Égypte dans de nombreux pays et de devenir ses ambassadeurs.

 

M. Amre Moussa, ancien ministre des Affaires Étrangères et ancien secrétaire général de la Ligue des États arabes, a confirmé que la déclaration du 28 février a ouvert la voie à un rôle actif de la diplomatie égyptienne aux niveaux national et régional. Il a également souligné que Muhammad Ali Pacha avait déjà commencé à gérer les relations de l’Égypte avec l’Etat ottoman et plusieurs pays européens du temps de son règne. Pendant le siècle dernier, l’Égypte a mené des négociations avec la Grande-Bretagne pour obtenir son indépendance et elle a également défendu l’identité arabe dans les années 1940, lorsque le ministère a joué un rôle dans la résistance aux velléités califales du roi Farouk.

Selon Moussa, le Ministère égyptien était en relation constante avec les défenseurs des Lumières en Europe, en particulier la France, ce qui a accentué la dimension méditerranéenne de la politique étrangère égyptienne. La question africaine était également une priorité absolue pour la diplomatie égyptienne, et L’Égypte a participé activement à la création de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA).

Moussa a noté que l’Egypte a joué un rôle actif dans les Nations Unies après la Seconde Guerre mondiale, a toujours posé en ardent défenseur des droits de l’Homme, et que ses juges ont été parmi les premiers à travailler pour des organisations judiciaires internationales. La diplomatie égyptienne a pris de nombreuses positions indépendantes au fil des ans, y compris son rôle historique dans la création du Mouvement des pays non alignés et sa défense de la cause palestinienne.

 

Dans le même contexte historique, M. Mohamed Afifi, professeur d’histoire moderne à l’Université du Caire, a passé en revue le rôle des Affaires Érangères égyptiennes depuis l’époque de Mohamed Ali, notamment celui de Nubar Pacha et de ses voyages historiques pour promouvoir la politique étrangère égyptienne en Europe.

« À cette époque, le ministère des Affaires Étrangères s’appelait le Bureau des affaires africaines et du commerce et est devenu plus tard le Bureau des Affaires Étrangères. Le premier ministre agissait également comme ministre des Affaires Étrangères, jusqu’à ce que la Grande-Bretagne fasse de l’Égypte son protectorat en 1914 et nomme un haut-commissaire britannique aux Affaires Étrangères de l’Égypte. »

M. Afifi a noté que la révolution de 1919 et la demande d’indépendance du mouvement nationaliste égyptien ont mené à la déclaration du 28 février. M. Abd al-Khaliq Tharwat avait alors posé deux conditions pour assumer la présidence du Gouvernement lorsqu’il a appelé à l’abolition du protectorat et à la Déclaration d’indépendance de l’Égypte, qui ont toutes deux rapidement été mises en œuvre.

"Abdul Khalik Tharwat a insisté sur la création du ministère des Affaires Étrangères, comme un symbole de la souveraineté de l’Egypte dans la gestion de ses affaires étrangères et de ses relations avec les pays du monde."

 

De 1952 à 1970, Abdel Khaliq Hassouna Pacha, comme l’a souligné l’ambassadeur Hussein Hassouna, a été l’un des exemples les plus marquants de diplomates égyptiens. Il a pris la tête du ministère égyptien des Affaires Étrangères, puis est devenu secrétaire général de la Ligue Arabe, alors que des missions égyptiennes avaient commencé à Washington, en France, en Italie et au Royaume-Uni. Abdel Khaliq Hassouna fut également sous-secrétaire d’État aux Affaires Étrangères en 1948. Hassouna Pacha a été un élément clé dans les négociations menant à l’accord d’armistice et un représentant de l’Egypte dans la préparation du Projet de Défense Arabe Commun.

 

L’Ambassadeur Maged Abdel Fattah, observateur permanent de la Ligue des États arabes aux Nations Unies, a parlé de l’interdépendance et du transfert intergénérationnel de l’expérience qui ont lieu au ministère, et qui a servi sa capacité en tant qu’organe technique pour maintenir un cadre de coopération pour la réalisation des objectifs égyptiens. Il a noté que la diplomatie égyptienne a ainsi traité avec succèsde nombreuses questions arabes devant le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Il a suggéré qu’après de nombreux changements internationaux et régionaux, il est maintenant nécessaire de travailler sur un plan de réconciliation pour l’Afrique du Nord, pour soutenir le rapprochement africain égyptien. Il prône également l’élaboration d’un plan d’action pour la préservation des droits palestiniens, dans le cadre d’accords bilatéraux entre les États arabes et Israël.

 

En ce qui concerne le rôle des femmes égyptiennes dans la diplomatie, l’Ambassadeur Wafaa Basim, membre de la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies à Genève, a noté que le Ministère a donné aux femmes la possibilité de travailler en son sein et leur a continuellement prodigué encouragements et enseignement.

"Au cours des 60 dernières années, vous constaterez une augmentation significative du nombre de femmes diplomates, de leurs spécialisations, des domaines dans lesquels elles travaillent, ainsi que des cas dans lesquels elles sont devenues des pionnières du changement et du progrès."

Mme Bassim a cité quelques exemples qui ont joué un rôle essentiel au sein du Ministère, à l’instar de Mme Mervat Tallawy et de l’ambassadeur Bahiga Arafa, ainsi que de l’ambassadeur Hoda el-Marasy, qui a été la première à représenter l’Égypte en tant qu’ambassadeur à l’étranger. Mme Bassim a fait l’éloge de l’excellent travail de l’ambassadeur Mona Omar, qui travaille toujours avec beaucoup de compétence sur le dossier africain, et de l’ambassadeur Naila Gabr, qui a pris en charge la lutte contre la traite des personnes et la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes. Enfin, elle a mentionné plusieurs noms qui ont travaillé aux affaires étrangères égyptiennes et qui sont devenus ministres, comme Mme Hikmat Abu Zayd et Mme Aisha Rateb.

 

L’Ambassadeur Laila Bahaa El-Din, Directrice exécutive de la Fondation, a souligné qu’aujourd’hui, le nombre de femmes dans les affaires étrangères égyptiennes est proche du nombre d’hommes employés, que le Ministère dépend désormais d’elles dans le cadre de tâches complexes, et les envoie à l’instar de leurs collègues masculins dans des zones de tension et de guerre, ce qui n’avait jamais été le cas auparavant.

 

Dans le même esprit, le Dr. Abdel Monem Said, ancien Président du Conseil d’Administration du journal Al-Ahram et Président actuel du Conseil d’Administration du journal Al-Masry Al-Youm, a confirmé que le ministère égyptien des Affaires Étrangères reflète l’évolution de l’Égypte au cours du siècle dernier. Le processus de modernisation et de mobilisation institutionnelle qui a commencé depuis l’époque de Muhammad Ali a contribué à assurer l’existence des affaires étrangères égyptiennes sous cette forme, suite à la création de l’Université égyptienne et du canal de Suez.

Depuis 100 ans - selon le Dr. Abdel Monem Saeed - les affaires étrangères égyptiennes ont développé et défini le statut géopolitique, politique et économique de l’Egypte. La communication des Affaires Étrangères égyptiennes et de leurs cadres avec le monde extérieur a joué un rôle déterminant dans sa compréhension des changements mondiaux. Sa modernisation en tant qu’institution professionnelle lui a permis de contribuer à la définition et à l’identification de l’Égypte, et de promouvoir la sécurité nationale égyptienne et régionale.

« La diplomatie égyptienne est un vecteur de croissance et a aidé l’Égypte à s’adapter aux enjeux internationaux importants du siècle dernier. Le canal de Suez, par exemple, a transformé la scène géopolitique dans les régions arabes, africaines et méditerranéennes. Les Affaires Étrangères égyptiennes, en tant qu’institution, nous ont permis de travailler dans n’importe quel contexte mondial. »

 

Le Ministère Égyptien des Affaires Étrangères a accueilli de nombreux politiciens de renom, tels que M. Mostafa El Feki, directeur de la bibliothèque d’Alexandrie, qui a rendu hommage à une longue école de penseurs critiques dans l’histoire de la diplomatie. Après la révolution de 1952, plusieurs officiers sont entrés dans l’Institution, dont M. Hafez Ismail, que M. El Feki a décrit comme l’un des pères de la diplomatie égyptienne, et M. Mohamed Salahuddin, qui a dirigé les négociations entre la Grande-Bretagne et l’Égypte.

M. El Feki a également rendu hommage à M. Mahmoud Fawzi, pionnier de la diplomatie égyptienne, et à M. Ismael Fahmy, qui a donné une certaine autonomie aux diplomates égyptiens. Enfin, il a souligné le mérite des mesures prises par M. Amre Moussa, lorsqu’il a modifié les méthodes de travail et la structure globale du Ministère et donné aux jeunes diplomates la possibilité de participer activement et d’exprimer leur opinion.

 

M. Liao Liqiang, Ambassadeur de Chine en Égypte, a mis l’accent sur les relations solides qui unissent les deux pays; il a souligné l’importance d’une coopération accrue pour une plus grande stabilité dans les régions arabes et africaines. L’ambassadeur chinois a déclaré que l’Egypte et la Chine étaient deux États avec des civilisations anciennes, ce qui approfondit leur respect mutuel.

M. Liqiang a fait référence à l’article du ministre Sameh Shoukry, dans lequel il décrit le rôle des affaires étrangères égyptiennes dans le soutien des relations de l’Égypte avec le monde, et sa quête constante de stabilité et de soutien aux aspirations du peuple. Il a également souligné la position de l’Égypte à l’appui de Beijing sur de nombreux enjeux internationaux, et sa reconnaissance pour le soutien de la Chine à l’Égypte pendant la crise du coronavirus.