L’impact de la guerre en Ukraine sur l’équilibre des puissances mondiales
En ce 31 janvier, cela fera presque un an que la guerre russo-ukrainienne a commencé. Ce conflit est une allégorie de l’effondrement des théories des relations internationales et de l’échec de la communauté internationale à maintenir la paix et la sécurité mondiales.
La Fondation Kemet Boutros-Ghali pour la Paix et la Connaissance a organisé un symposium sur les effets de la guerre en Ukraine sur l’équilibre des puissances mondiales et régionales.
M. Mamdouh Abbas, Président du Conseil d’administration de la Fondation, a souligné la nécessité de comprendre les répercussions politiques pour les puissances mondiales et régionales afin de mieux appréhender l’équilibre mondial actuel. Abbas a souligné que cette guerre a déclenché de nombreuses crises économiques et politiques majeures parmi les grandes nations, y compris les relations sino-américaines et la division de l’Union européenne, sans parler de l’influence qu’elle a eue sur les puissances régionales dans la région arabe et la cause palestinienne.
Le Dr. Abdel-Moneim Saeed, Sénateur et Président d’Al-Masri Al-Youm, indique que la guerre ukrainienne a changé deux théories dans les relations internationales : la première théorie postule qu’un rapport de force par la dissuasion nucléaire empêche les guerres. La deuxième théorie est que toute guerre nuit inévitablement à toutes les parties. Au début de la guerre, a-t-il ajouté, il semblait que la Russie avait le dessus. Cependant, après la contre-attaque ukrainienne, on a commencé à parler du rôlew des puissances occidentales dans cette crise et de leur rôle dans le déclin des victoires russes. Il y a sans aucun doute un cas d’attrition mutuelle entre les parties impliquées dans cette guerre, compte tenu de l’émergence de la Chine en tant que superpuissance dans cette scène, et ce sans avoir tiré une seule balle.
Nevine Mossaad, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, a souligné que cette guerre a accentué la rivalité féroce entre la Turquie et l’Iran. Selon Mme Mossaad, la Turquie a joué un rôle diplomatique de premier plan dans la résolution de la crise et a entrepris une exportations de blé, en particulier pour les pays qui dépendent du blé russe et ukrainien. La Turquie a également approché la Russie pour parvenir à un accord concernant la Syrie. La position de l’Iran était plus inclinée vers la Russie, surtout avec sa provision de drones à Moscou. Ainsi, comme l’a souligné Mme Mossaad, les deux États ont renforcé leur rôle sur la scène internationale et régionale, notamment en condamnant l’invasion. Leur rejet des sanctions occidentales leur a permis de bénéficier de la possibilité de faire pencher la balance du pouvoir en leur faveur.
Dr. Mostafa El-Feki, un écrivain et penseur politique, a noté que la Russio-ukrainienne avait révélé les positions respectives des puissances internationales. Il a souligné qu’il n’y avait pas de position claire et nette entre les autorités mondiales et régionales dans cette crise, et a comparé la situation à l’atmosphère d’avant-Première Guerre mondiale, où le monde était plongé dans l’incertitude et l’anticipation, ce qui a empêché la plupart des pays de prendre position dans le conflit. M. El-Feki souligne que cette guerre a eu des répercussions importantes dans la région arabe, où l’attention internationale envers la question palestinienne a diminué, et a semé la confusion dans les relations entre la Russie et Israël. En revanche, la crise énergétique résultant de cette guerre a entraîné des changements spectaculaires dans le système financier mondial lié à l’énergie. Dans un même temps, Israël a utilisé cette guerre pour durement frapper les Palestiniens et a profité de sa position alignée sur Washington dans ce conflit pour le bénéfice de Kiev.
M. Ahmed Youssef, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, s’est penché sur le cas de la cause palestinienne et sa relation avec la guerre en Ukraine, affirmant que le conflit israélo-palestinien était à l’ordre du jour dans l’agenda international avant le déclenchement de la guerre, d’autant plus que les tentatives de résoudre les différends entre les factions palestiniennes s’étaient intensifiées.
L’Ambassadeur Mohamed Idris, ancien assistant du Ministre des Affaires étrangères et ancien Représentant permanent de l’Égypte auprès des Nations Unies, a souligné la vulnérabilité des États africains à cette guerre malgré leur manque d’implication. Ces États ont essayé de rester neutres dans cette crise, mais ne pourront plus le faire très longtemps tant que le conflit se poursuit.
L’Ambassadeur Idris a souligné que cette guerre a exacerbé les crises que les États africains ont connues, notamment en ce qui concerne les effets inflationnistes des prix alimentaires, qui ont poussé quelque 50 millions d’Africains dans une pauvreté extrême.
L’Ambassadeur Idris a déclaré que les pays africains étaient déjà entrés dans un ralentissement de la production en raison de l’augmentation des coûts de production, de la crise de la dette et de l’intérêt sur l’emprunt auprès des institutions internationales, tandis que leurs pays souffrent de la baisse des subventions internationales. Il a également souligné que l’incapacité de ces États à rembourser leur dette avait exercé de fortes pressions sur leurs décisions politiques.
Pour sa part, M. Ali El Din Hilal, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire et ancien ministre des Sports et de la Jeunesse, a soulevé de nombreuses questions auxquelles nous devrions chercher des réponses. Par exemple, si la Russie ne sort pas de cette guerre avec une victoire décisive, ainsi que l’Ukraine et ses alliés, l’Amérique et l’Europe, quel sera l’équilibre des forces dans le monde ? Quelle sera la situation dans des pays comme l’Allemagne et le Japon qui ont regagné leur droit à l’armement ?
M. Amre Moussa, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien secrétaire général de la Ligue des États arabes, a souligné que l’ordre mondial actuel, principalement à travers les agences spécialisées des Nations Unies, était encore en plein essor et que l’échec du système international ne dépassait pas la question du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Cette responsabilité incombe au Conseil de sécurité, qui devra faire l’objet de modifications et de discussions approfondies. En ce qui concerne la sécurité nationale arabe, Moussa a souligné que ce concept est devenu plus complexe et se rapporte de plus en plus à des conglomérats régionaux. Ce qui est important pour les États du Golfe n’est peut-être pas important pour le croissant fertile ou les pays d’Afrique du Nord, c’est pourquoi cela doit être abordé plus en détail lors d’autres réunions.
Mais M. Moussa a également souligné l’importance du retour du Mouvement des pays non alignés, sous une forme nouvelle ; cette fois, leur leader pourrait être Silva de Lula, Président du Brésil.
L’Ambassadeur Raouf Saad a souligné que cette guerre faisait partie intégrante de la lutte américaine contre la Chine et était aussi une tentative d’affaiblir la Russie en tant qu’allié stratégique de Pékin.
L’ambassadeur Maged Abdel Fattah, ancien représentant permanent de l’Égypte auprès des Nations Unies, a avoué que la situation actuelle le faisait fortement songer à l’agenda pour la paix que M. Boutros-Ghali avait présenté il y a plusieurs décennies alors qu’il était Secrétaire Général des Nations Unies. L’Ambassadeur Abdel Fattah a déclaré que l’organisation internationale cherche aujourd’hui à rétablir cet agenda, et est disposée à entendre tous les partis en préparation de son futur sommet de 2024 pour réformer le système international.