L’épouse du Dr Boutros Ghali ouvre pour la première fois le coffre de ses souvenirs

Le Caire, Egypte | lundi, octobre 07, 2019:

Sur les bords du Nil à Guizeh, se dresse une villa aux multiples étages. A son entrée, sur une plaque en cuivre rectangulaire est gravée la phrase suivante : « Ici a vécu Boutros Ghali ». En prenant l’ascenseur, de nombreuses questions se bousculent dans mon esprit. Par où commencer l’entretien que j’allais avoir avec Madame Léa Nadler, épouse du regretté Docteur Boutros Ghali, ancien secrétaire général des Nations-Unies ; sachant que j’avais depuis de longues années inlassablement cherché à l’entreprendre, alors qu’elle veillait toujours à se maintenir à l’écart des médias.

Léa Nadler, du haut de ses 96 ans, a choisi d’accorder sa première longue interview au quotidien « Al-Masry Al-Youm ». Face aux flots du Nil qui passent sous ses yeux, sur la terrasse de son duplex, elle a rappelé nombre de souvenirs et d’événements qui ont marqué son existence. Elle nous a accueillis très chaleureusement avant de nous inviter à nous asseoir dans son vieux salon, celui-là même qui a vu s’asseoir d’illustres personnalités. Il suffirait de savoir qu’y prenait place le Docteur Boutros Ghali qui, pour reprendre ses termes, était « l’époux, l’ami, la famille ». Notre discussion s’est déroulée dans une pièce dont les coins et les murs regorgent de tableaux, d’objets d’art et de statues de diverses couleurs et provenances. Autant d’objets recueillis tout au long d’un long parcours aux efforts inlassables, qui les a conduits aux quatre coins du monde. Certains objets sont des cadeaux offerts par des chefs d’état ou des personnalités de grand renom, d’autres sont des acquisitions personnelles qui reflètent un goût prononcé et distingué pour l’art, la culture et les lettres.

En la présence de Madame Boutros Ghali, vous ne discernez plus si vous êtes en présence d’une dame venant de l’un des villages de Haute-Égypte, devant sa grande générosité, et devant son insistance à ce que vous preniez, vous et votre accompagnateur, un verre de bienvenue ; ou si vous vous trouvez devant une aristocrate, d’une époque classique, vous adressant des phrases brèves avec un accent français à la fois noble et sublime. Elle est, en effet, la descendante de la grande famille Nadler. Son père détenait les plus grandes usines de confiserie ou, selon ses termes, de « bonbons ». Les circonstances historiques les ont contraints à émigrer subséquemment à la Révolution du 23 juillet 1952. Après avoir mené une vie opulente à Alexandrie, elle a refusé d’émigrer avec sa famille, préférant rester indéfectiblement aux côtés de son époux, jusqu’au décès de ce dernier.

Lors de cet entretien, Léa Nadler a tenu, tantôt en français, tantôt en arabe, à faire une déposition pour l’Histoire, à lever le voile sur de nombreux événements historiques et à rétablir la vérité sur de fausses informations qui avaient été diffusées sur sa famille et relayées par les médias, sans même la consulter, alors qu’elle fait toujours partie de ce monde. Elle s’était abstenue de répondre à ces discours non par dédain ni par volonté de se maintenir à l’abri des projecteurs et des fabulations médiatiques ; mais tout simplement parce qu’elle avait été contrainte par les circonstances à mener une vie tranquille. A titre d’exemple, des bruits avaient couru faisant état que sa sœur Sheila était l’épouse d’un ministre israélien. Sa réponse fut surprenante : elle n’a pas de sœurs. Elle n’a que trois frères dont l’un d’eux est décédé, il y a quelques années, au Caire. L’un des deux autres qui avaient émigré aux États-Unis est également décédé. Il ne lui reste plus qu’un seul frère vivant toujours aux États-Unis et avec lequel elle est en contact permanent. Nombreux sont les détails qu’a dévoilés celle qui a accompagné l’existence du Docteur Boutros Ghali et qui détient les coffres où sont enfouis les secrets de son époux. L’entretien était programmé pour durer une demi-heure. Il a cependant dépassé les deux heures en dépit de ses occupations et quelques heures à peine avant son départ pour Paris. Nous avons eu droit à sa promesse de nous revoir à son retour ainsi qu’à une invitation à diner pour poursuivre notre entretien…

Pourquoi refusez-vous d’apparaître dans les médias alors que vous avez une activité remarquée dans le domaine de l’action publique ?
Je ne suis pas une femme œuvrant dans les sphères de la haute-société. Toute ma vie, je l’ai passée aux côtés de mon mari. Je n’ai commencé à participer à des activités d’utilité publique qu’après son décès. En effet, je souhaiterais poursuivre son action autant qu’il me sera possible de le faire. J’apprécie énormément ce qu’il a fait. Je sais parfaitement qu’il s’est donné une précieuse mission dénuée de tout intérêt propre ou de toute gloire personnelle ; mais pleine d’amour et d’attachement pour son pays.

Quand a eu lieu la première rencontre entre vous et Boutros Ghali ?
Nous étions à Alexandrie. Nous nous sommes rencontrés par le biais d’un ami en commun. Nous avons vécu une idylle pendant quelques années puis nous nous sommes mariés.


Décrivez-nous votre enfance.
Pendant mon enfance, je n’ai pas été scolarisée. J’ai reçu mon éducation à la maison. Des enseignants venaient chez nous. Je n’ai pas poursuivi mon éducation parce que, si vous voulez, je n’étais pas assez travailleuse, ajoute-t-elle en riant. A l’époque, je voyageais souvent à l’étranger avec ma famille.

Vous avez été liée d’une forte amitié avec la Reine Farida, épouse du Roi Farouk. Pouvez-vous nous décrire cette relation ?
Il ne s’agissait pas d’une forte amitié, juste une relation sociale et tout à fait ordinaire.

Où avez-vous grandi ?
J’ai grandi dans une société multiculturelle et pluriculturelle. J’ai toujours pensé que l’Égypte était un pays multiculturel.


Parlez-nous de la famille Adler et de vos souvenirs de famille.
Je préfère parler du Dr Boutros-Ghali. Je suis son épouse. Nous avons parcouru notre chemin de vie ensemble ; un chemin plein de souvenirs avec nos compatriotes ainsi qu’avec des personnes d’autres nationalités.

Pourquoi avez-vous refusé d’émigrer ?
Nous pouvions, mon mari et moi, quitter l’Égypte. Nous avons toutefois décidé d’y rester et de ne pas émigrer contrairement à mes frères et à ma famille. J’ai insisté à rester dans ce pays que j’aime tant.

Est-il vrai que votre sœur Sheila était l’épouse d’un ministre israélien ?
Cette information est complètement dénuée de vérité. Je n’ai que trois frères. L’un d’eux est décédé en Égypte, les deux autres ont émigré. L’un d’eux est également décédé. Il ne me reste que le dernier qui vit aux États-Unis.

Qui sont vos amis proches avec lesquels vous êtes constamment en contact ?
Je suis en contact permanent avec l’Ambassadeur Mokhles Kotb, l’homme d’affaires Mamdouh Abbas et le ministre Mohamed Faëk.

Où préférez-vous vivre: en Égypte ou en France ?
Je préfère vivre en Égypte, la terre où je suis née et où j’ai vécu.

Tenez-vous cette préférence du Docteur Boutros-Ghali ?
Boutros-Ghali adorait littéralement l’Égypte. Il a toujours éprouvé de la sérénité et du bonheur lorsque nous nous y trouvions.

Vous avez vécu la monarchie puis l’instauration de la république. Quel régime préférez-vous…et pourquoi ?
C’est totalement différent. C’est comme si vous demandiez à quelqu’un d’établir une comparaison entre la couleur blanche et la couleur noire. Je pourrais néanmoins vous dire qu’avec la fin de la monarchie, le peuple rêvait de démocratie.

En termes de comparaison, comment percevez-vous l’Égypte et ses rues aujourd’hui ?
En un mot : la surpopulation ! les rues sont sursaturées. C’est un problème qui préoccupait énormément le Docteur Boutros-Ghali avant son décès.

Est-ce que la différence de croyance religieuse représentait un obstacle à votre mariage, vu que vous êtes de confession juive et qu’il était chrétien ?
Absolument pas… ce genre de question ne représentait pas un obstacle à l’époque. Les religions n’avaient pas pris le chemin de la radicalisation, comme c’est le cas aujourd’hui. La société égyptienne était beaucoup plus ouverte qu’elle ne l’est à l’heure actuelle. Prenons ma famille pour exemple : l’un de mes frères est musulman, l’autre est orthodoxe ; et l’une de mes belles-sœurs est musulmane. Nous avons vécu une époque qui consentait volontiers à la différence et à la diversité. Il suffit que je vous dise que le Docteur Boutros-Ghali avait, lors de sa dernière maladie, émis le désir que le grand imam d’Al Azhar participe à ses funérailles et qu’il y prononce un discours en plus de la cérémonie d’adieux à l’église.

Quels sont les défis que vous avez affrontés à l’annonce officielle de votre mariage ?
Aucun, les deux familles ont béni notre relation. Il n’y avait aucune opposition.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement inspiré une grande admiration chez votre mari ?
Pointant de l’index sa tête, elle affirme : son intelligence… il était doué d’une vive intelligence à la fois multidimensionnelle et visionnaire… il était en tout complètement différent.


Parlez-nous des aspect de la passion amoureuse à l’époque.
Je pense que l’on peut en rester là en ce qui concerne notre vie privée. Je ne souhaite pas en parler davantage. Parlons de la carrière du Docteur Boutros-Ghali.


Nous mettons cependant l’accent sur un côté humain de sa vie que vous avez partagée.
J’en conviens parfaitement. Je considère toutefois que ce sont des éléments de notre vie privée.

Entendu… comment le Docteur Boutros-Ghali se comportait-il au quotidien, loin des formalités ? Avait-il un rituel particulier à la maison ? Comment commençait-il sa journée et comment la terminait-il ?
Sa personnalité était inchangée ; tout son temps était dédié au travail. Il ne perdait jamais son temps ; il le passait toujours entre lecture et écriture. Il se levait toujours de bonne heure.

Qu’est-ce qui lui procurait le plus de plaisir ?
Le succès ! qu’il soit pour lui ou pour son entourage. Il était toujours heureux de voir le succès des autres. Il était aussi très heureux lorsque l’Égypte était présente à un événement.


L’on dit que lorsque vous vous entendiez bien, vous et le Docteur Boutros-Ghali, vous discutiez en français, alors que lorsque vous étiez tendus, vous discutiez en arabe.
C’est ce qu’ils disent, dit-elle en riant. Ce que peu de gens savent c’est qu’il passait toute sa vie à travailler, qu’il était toujours dans son bureau. Même pendant ses derniers jours, au plus fort de sa maladie, il travaillait.

Et vous ?
Moi aussi j’ai ma propre bibliothèque à la maison. Chacun a son style de vie. Nous nous retrouvions au déjeuner et au diner. C’étaient des moments sacrés pour nous. Tous les jours, nous nous retrouvions autour de cette table (elle nous pointe du doigt la salle à manger). Vous pourrez la prendre en photo. Ce sera une première puisque aucun journaliste n’y a jamais eu accès. Les journalistes qui venaient faire une interview avec lui ne pouvaient prendre en photo que cette pièce où nous nous trouvons, le salon.


Mais, dans cette salle à manger, il n’y a qu’un nombre limité de sièges.
Nos invités ne se comptaient que sur les doigts d’une seule main. Boutros aimait le calme et la concentration. Il était gêné par le bruit. Son sens de l’amitié était profond, jamais superficiel. C’est autour de cette table qu’ont eu lieu de longues discussions. Même en mangeant, il s’efforçait de discuter avec ses invités.

Quel genre musical préférait-il ?
Il adorait la musique classique, les œuvres de Beethoven et Bach, par exemple.

Et sa cuisine préférée ?
La cuisine égyptienne.

Et vous, quelle est votre cuisine préférée ?
Moi, je préfère manger sain et préserver ma ligne, même si j’aime beaucoup le koshari.

Quel lien entretenait-il avec la cuisine ?
Aucun, nous n’en avions hélas pas le temps. Il était en permanence préoccupé par l’écriture et la lecture, même lors de sa dernière maladie.

Quelles ont été les dernières volontés du Docteur Boutros-Ghali avant son grand voyage ?
Aucunes, il est parti calmement, à l’image de sa vie. Nous nous préparions à partir pour Paris. L’Onu avait envoyé un avion médicalisé au Caire ; avion qui était arrivé un jour avant la date prévue. Dans notre chambre se trouvaient certains de nos amis, dont l’Ambassadeur Mokhles Kotb. Boutros perdait connaissance quelques instants puis redevenait conscient. Il posait alors quelques questions à l’Ambassadeur Kotb, puis replongeait dans l’état précédent. Il eut une dernière question : « Partirons-nous pour Paris ou bien irons-nous au Palais présidentiel d’Alitihadiya ? ». Il a ensuite une nouvelle fois perdu connaissance et s’est éteint.

Pourquoi avez-vous décidé de ne pas avoir d’animaux domestiques à la maison ?
Nous avions un majordome, répond-elle en riant, qui s’appelait Hassan. Il refusait catégoriquement la présence de chats et de chiens. Et même de cactus. Il n’aimait pas ces animaux, ni cette plante. Nous avons respecté son souhait et ne nous y sommes pas opposés, Boutros et moi.

Et vous, aimez-vous les animaux domestiques ?
Je les aime dans les espaces ouverts, pas à la maison.

En toute franchise, est-ce que l’absence d’enfants a eu un effet quelconque sur votre relation ?
Il suffit que je vous dise que Boutros m’a prévenue au début de notre relation en me disant ceci : Dix-huit millions de personnes vivent aujourd’hui en Égypte, nul n’est besoin que ce nombre augmente.

Le Docteur Boutros-Ghali a dit, une fois, que le premier jour de votre rencontre, il vous avait aimée du premier regard. Vous souvenez-vous de cette rencontre ?
Il ne me l’a jamais dit, répond-elle en éclatant de rire. Nous nous sommes liés d’amour pendant longtemps puis nous sommes mariés en 1952.

Le Docteur Boutros -Ghali avait-il un rituel propre lorsqu’il s’adonnait à l’écriture ?
Il écrivait tout le temps et à tout moment. Il était constamment préoccupé par les questions relatives à sa patrie et au monde entier. Il avait mis en garde contre le danger que représente l’impuissance dont souffrent les Nations-Unies. Il avait prévenu que les Nations-Unies avaient besoin de remaniement. Il disait que les Nations-Unies étaient la ville aux grands problèmes. Ces problèmes-là sont ceux dont souffre l’ordre mondial d’aujourd’hui.

Vous demandait-il votre avis sur des questions relatives à son travail, alors qu’il était aux affaires étrangères puis aux Nations-Unies ?
Boutros était particulièrement discret sur tout ce qui se rapporte à son travail. De par ses fonctions, il était l’homme qui détenait les secrets. Ses fonctions lui ont imposé une conduite particulière que j’ai acceptée de bon cœur. C’est pourquoi, je m’abstiens d’exprimer quelconque opinion sur des questions politiques. Je ne discute que de questions culturelles.

Est-ce à dire qu’il ne vous a pas demandé votre avis avant d’être candidat au poste de Secrétaire général des Nations-Unies ?
Il m’a dit qu’il allait essayer, vu qu’il y avait de nombreuses difficultés et de nombreux défis entravant son succès.

À votre avis, est-ce que l’Égypte a bénéficié de son expérience ainsi que de son réseau de relations internationales qu’il a réussi à bâtir pendant de longues années ?
Évidemment. Cela remonte déjà au début de sa carrière politique, lorsque le Président Sadate avait décidé de chercher la personne capable d’assumer la responsabilité des affaires étrangères en cette période difficile. Son choix avait porté sur Boutros-Ghali lequel l’avait accepté pleinement convaincu. Le Président Sadate, jusqu’à ses derniers jours, vouait beaucoup de respect à Boutros. Lorsque Boutros a quitté son poste pour rejoindre les Nations-Unies, il a convoqué l’Ambassadrice Fayza Aboulnaga. Il entretenait en permanence des liens et contacts avec la présidence égyptienne et les responsables du pays.
Je puis même affirmer que, grâce aux nombreuses relations qu’il a su tisser, il a formé des cadres compétents ainsi qu’un grand nombre de jeunes diplomates qui ont bénéficié de ses contacts internationaux qui, par moment, dépassaient les capacités de l’État. Le Président Moubarak a également fait appel à lui à de nombreuses occasions. Il suffit de savoir qu’il n’a pas manqué de visiter un seul pays d’Amérique latine ou d’Afrique, y établissant des contacts et y tissant des liens étroits qui ont toujours leur poids au sein du Tiers-monde.


Bien que le Docteur Boutros Ghali se soit retiré de la scène politique, il a joué un rôle important, le 30 juin 2013, en adressant au Secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, son fameux message dévoilant la réalité des événements et soulignant le caractère populaire de la révolution.
Il considérait comme un miracle ce qui s’est passé le 30 juin et le renversement du régime instauré par les Frères musulmans. Il n’a jamais été de nature pessimiste durant toute sa vie. Il l’est devenu pendant cette période et s’inquiétait énormément pour l’avenir de l’Égypte. Il avait le sentiment que l’Égypte s’était engouffrée dans un tunnel obscur lorsqu’elle a été gouvernée par les Frères musulmans.

Vous avez été choisie pour être la présidente d’honneur de La Fondation Kemet Boutros Ghali pour la paix et le savoir . Comment avez-vous réagi à cette nouvelle ?
J’ai été honorée de l’apprendre…Mes liens avec la Fondation sont particulièrement étroits, puisque je considère tous ses membres comme ma propre famille. Son nom, « Kemet » désigne, dans la langue égyptienne ancienne, la terre fertile. Ce choix signifie que l’Égypte est une terre dont les racines remontent à plusieurs milliers d’années. C’est précisément sur cette base que la Fondation veut construire l’avenir.

Quel est le rôle de la Fondation pour la période à venir ?
Nous allons organiser en novembre prochain une conférence internationale à laquelle participeront des personnalités internationales à l’occasion de l’anniversaire du Docteur Boutros-Ghali. D’autres célébrations et manifestations auront lieu et seront annoncées en temps voulu. Les membres fondateurs de la Fondation œuvrent à la réalisation de grands projets et de grandes ambitions.

Nous nous trouvons au milieu d’un petit musée où figurent des tableaux et des objets d’art. Lequel de ces objets vous est le plus cher ?
Tous, ils le sont tous… car ce sont pour la plupart des cadeaux provenant de personnalités et de personnes de grand renom. Une partie de ces objets furent collectés par Boutros lors de ses voyages à l’étranger, notamment en Afrique. J’en ai collecté d’autres, lors de mes propres voyages à l’étranger.


Parlons un peu de l’Afrique et des raisons pour lesquelles Boutros-Ghali en était passionné depuis l’enfance.
Parce qu’il était passionné de politique. Il est issu d’une famille enracinée dans la politique. Il a également grandi dans une génération qui était consciente de l’importance de l’Égypte et de son rôle en tant qu’état africain. Lorsque la question de savoir si l’Égypte était un pays arabe ou africain lui était posée, il répondait que l’Égypte est un pays africain car c’est elle qui a créé l’Afrique. L’Égypte en est le père, comme le Nil en est la mère. Les raisons stratégiques en sont nombreuses. Il était conscient que l’avenir de l’Égypte est lié à celui de l’Afrique et que le plus grand défi pouvant menacer l’Égypte est la question de l’eau. Il avait prévu cette situation depuis de longues années et l’a traitée dans de nombreux ouvrages.

L’Égypte a fait ses adieux au Docteur Boutros-Ghali lors de funérailles nationales en présence du Président Abdel Fattah Alsissi ainsi que de nombreuses personnalités. Ces adieux vous ont-ils touchée ?
L’Égypte lui a fait ses adieux comme il se devait et comme il l’aurait souhaité.

Quelles sont les personnalités internationales avec lesquelles il était toujours en contact à l’époque ?
Je recevais en permanence de nombreux appels, notamment de France, ainsi que de responsables des Nations-Unies et de ses nombreux amis.

Le Docteur Boutros-Ghali considérait son neveu Youssef Boutros-Ghali, ancien ministre des finances, comme son propre fils. Quel était le secret de ce lien ?
Peut-être parce qu’il était le seul membre de sa famille à avoir choisi la carrière politique. Il avait à la fois les capacités, le désir et les aptitudes nécessaires au succès. Boutros était très pragmatique. Il ne rigolait pas lorsqu’il s’agissait de professionnalisme. Il y avait une parfaite harmonie entre ses sentiments et sa raison. Il a sans doute constaté que Youssef Boutros-Ghali était le digne prolongement de l’action politique de la famille et l’a soutenu. C’est ainsi qu’il le considérait comme son fils.

Vous avez rencontré de nombreuses personnalités telles que des rois et des chefs d’état. Quels sont celles qui vous ont le plus marquée ?
Li Xiannian, Président de la République populaire de Chine entre 1983 et 1988. A chaque fois que je le rencontrais, il m’offrait une fleur. Je me souviens également de Li Peng qui fut premier ministre chinois jusqu’en 1998 et qui, accompagné de son épouse, nous tenait tout le temps compagnie, lors de nos voyages en Chine. Tel était le cas lorsqu’ils venaient en visite en Égypte. Je citerais également Sandro Pertini, ancien Président de la République italienne entre 1978 et 1985, ainsi que l’ancien Président français, Jacques Chirac. Tous les deux avaient joué un rôle prépondérant lors de la campagne de candidature internationale de Boutros-Ghali pour le poste de Secrétaire général des Nations-unies.

Nous avons tous des rêves… tout au long de votre long parcours de vie, quels ont été vos souhaits qui se sont réalisés ?
Tout simplement le souhait de mener une vie heureuse.

Que n’êtes-vous pas parvenue à réaliser ?
Empêcher Boutros-Ghali de nous quitter. Je ne puis poursuivre le voyage sans lui.

Pour conclure, avez-vous un message à adresser aux nombreux disciples du Docteur Boutros-Ghali ?
Lisez beaucoup.

Texte traduit par Dr Mohamed AREF